Khuri (Rajasthan) – env. 1 000 habitants
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Jaisalmer - Khuri - 55 km - 1h20
Dîner à la lueur du
feu : curry de légume mangé avec des chapatis (couper les chapatis, les
rouler pour en faire une cuillère, saisir le curry et avaler sans tousser parce
que c’est quand même très épicé tout ça !). Lassi pour arroser le dîner.
C’est délicieux et je me gave, en prenant soin d’en laisser car malgré mes
protestations de politesse, le guide mange après moi. C’est comme ça.
Je fais un tour
pour ramasser du bois puis entretiens le feu pendant que je lis mon livre sous
les étoiles. Rapide tour pieds nus dans les dunes à la lumière de la lune,
Beethoven dans les oreilles pour profiter encore plus de la magie de l’endroit.
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Badal, une
personnalité hors du commun
Le paradis existe,
je l’ai trouvé ! Qu’on me donne quelques jours de vacances et je file
directement là-bas.
L’heure de route me
menant à Khuri est un délice. Au milieu du sable, la route est de très bonne
qualité et empruntée par très peu de véhicules. Principalement des jeeps de
touristes faisant un tour dans la région. Je peux rouler à mon aise et prendre
les virages façon « descente d’une piste de ski », ce qui fait tout
le charme de la moto.
Une de mes plus
belles rencontres de l’Inde m’attend à Khuri. Je me rends chez M. Badal,
recommandé dans le Lonely planet comme quelqu’un de bien, ancien chamelier qui
organise des camel safari de qualité. Il est assis sur sa terrasse quand
j’arrive. Je gare la moto, puis m’assied à côté de lui. « Bonjour. – Bonjour.
– Ca va ? – Ca va … » S’ensuit une courte discussion sur la pluie et
le beau temps, entrecoupée de silences qui ne sont même pas gênants. Puis j’en
viens au sujet principal, que lui-même n’a toujours pas évoqué alors que c’est
son cœur de métier : « vous organisez des camel
safaris ? – Oui. Vous voulez partir ce soir ? – Parfait. Je
serai seul ? – Oui. – Parfait. »
Et c’est alors
qu’il se lève, passe un coup de fil, fait un tour dans le village pour aller
chercher son chamelier fétiche. En fait son neveu, qui est aussi instituteur
dans l’école privée de Khuri (d’où sa bonne maîtrise de l’Anglais et son allure
un peu trop guindée pour un chamelier, on voit que c’est
l’ « instruit »).
Je fais un tour de
village, c’est effectivement tout petit : deux routes à une voie chacune
traversent le village, et l’emplacement des habitations délimitent des allées
en sable, ou l’inverse … Deux, peut-être trois guesthouse uniquement. Peu de
commerces. C’est calme et désert.
Badal me confie
qu’il aime cet endroit reculé d’où il est originaire, qu’il n’est jamais sorti
du Rajasthan, et qu’il préfère les animaux aux personnes. Il a deux chats, des
vaches et des chèvres. On se ressemble et on se comprend bien.
Camel safari en
solitaire
15h, c’est le
départ vers le désert. Ce tour est bien plus authentique que le précédent à
BIkaner. Nous partons à deux sur le chameau (en fait un dromadaire, mais allez
dire « dromadaire safari », ça sonne moins bien que « camel
safari » non ?), emportant avec nous gamelles, eau et nourriture. Au
pas, au trot, nous faisons un tour pour arriver au milieu de la partie dunes de
sables et établir le campement. Khuri est au milieu du désert du Thar, qui est
constitué de sable et terre, et parsemé d’arbustes.
Par endroit cependant, des
ensembles de dunes de sable s’étendent sur quelques kilomètres de long et
quelques centaines de mètres de large. C’est que qui rend la ville de Sam à
quelques dizaines de kilomètres à l’ouest si touristique, et que je suis
content d’avoir délaissée pour privilégier Khuri où l’on trouve les mêmes
dunes. Moins étendues, mais suffisamment larges pour se trouver isolé par le
silence avec du sable à perte de vue.
En fait de
campement, le camel driver étale matelas et couvertures au sol, puis commence à
cuisiner. De mon côté, je me balade dans les dunes, coure, saute, shoote photos
et films puis lis mon livre allongé dans le sable en regardant le coucher de
soleil tandis que les biches courent au fond de la vallée. Ca fait rêver je
sais… pour tout dire, j’ai du mal à réaliser moi-même où je suis en ce moment.
Passons rapidement
sur la surprise en ouvrant les yeux en pleine nuit après le coucher de lune,
juste pur découvrir un ciel noir rempli d’étoiles plus lumineuses que jamais.
Mais pas le courage de prendre l’appareil photo … Une autre fois ! Petit déjeuner, et
re-ballade dans les dunes à pied pour faire des photos débiles avec le
retardateur. Puis retour tranquille à dos de chameau.
Séjour prolongé
chez Badal
L’endroit est
calme, la nourriture excellente, et on se sent chez Badal comme chez soi, ou
plutôt comme chez lui, mais la simplicité du lieu en fait un très bon
« chez-soi ». Il ne m’en faut pas plus pour décider de rester
quelques temps dans ce coin de paradis. Je fais l’aller-retour à Jaisalmer pour
prendre mes affaires et m’installer à Khuri. Je passe l’après-midi et les trois
jours suivants à vivre mon programme chargé : petit déjeuner, installation
sur la terrasse, lecture, déjeuner, sieste, lecture, marche vers les dunes pour
admirer le coucher de soleil, marche retour, dîner, lecture et tri de photo,
rédaction du journal, et de temps en temps un film.
Je passe sur les
heures passées à observer la vie se déroulant sous mes yeux. Les départs et
retour des autres touristes en camel safari, le défilé d’animaux (chiens et
chats, chameaux, vaches et chèvres), les enfants allant et revenant de l’école,
la traite des vaches. Un matin, je me lève plus tôt et pars courir 1h30 – 10km
dans les dunes de sable, au lever du soleil et au milieu des biches et autres
chameaux.
Je tiens à signaler
deux anecdotes. La première : cette touriste polonaise qui admire le
coucher de soleil sur les dunes. Elle voyage en taxi privé depuis Delhi et
incarne le tourisme « de loin » dans tout ce qu’il a de plus
détestable. Elle demande à son chamelier (oui, je n’ai pas précisé, mais les
touristes viennent voir le coucher de soleil à dos de chameau, c’est la sortie typique, ils me prennent
pour un extra-terrestre quand ils me voient repartir à pied ; en outre,
ils s’entassent sur les dunes, à chacun de trouver sa place, je suis un des
rares à oser marcher quelques centaines de mètres pour avoir une vue dégagée de
tout touriste) bref elle demande à son chamelier, écrivais-je donc avant
d’ouvrir une parenthèse d’une longueur déraisonnable qui nous a à tous fait
perdre le fil de l’histoire, de déplacer son chameau et le mettre dans le
soleil couchant pour prendre de belles photos sans avoir à bouger ses fesses.
Puis, alors que l’astre rougeoie dans les nuages sur l’horizon, elle se tourne
vers moi puis vers son guide « c’est fini maintenant ? on peut y
aller ? ». Non seulement, non ce n’est pas fini, un coucher de
soleil, c’est quand le soleil se couche, non ? Pas quand il est encore
visible … et puis qu’a-t-elle besoin de demander si l’attraction est
finie ? On profite de la vue, de l’instant, on n’est pas dans un tour
minuté avec une précision germanique … enfin, me semble-t-il.
Devant le coucher de soleil |
L’autre anecdote
qui me trotte en tête, c’est ce dernier dîner chez Badal, la veille de mon
départ. Il fait assez froid ce soir là, et il me propose de dîner dans la
cuisine plutôt que dehors sur la terrasse. Pièce de 4 mètres sur 5, plutôt
vide, avec un plan de travail en pierre dans un coin, un feu de cuisson au sol
dans un autre coin (et un conduit de cheminée). Badal et moi mangeons assis par
terre (j’ai droit à un tabouret en ma qualité d’invité). Les enfants et sa
femme mangeront après nous. Sa femme prépare les chapatis. Elle est assise par
terre, puis sa tâche terminée, se recroqueville par terre près du feu pour se
chauffer et se reposer. Pendant que nous dînons juste à côté. Je ne vous cache
pas que je suis plus que gêné, mais c’est le mode de vie local et je ne peux
que le respecter. Même si j’ai tout de même fini au plus vite mon assiette !
Ces deux points qui
me font un peu mal n’enlèvent rien au charme de l’endroit et ce n’est pas un
hasard si chaque soir j’annonçais mon départ pour le lendemain, puis finalement
me levais en disant : « bon je partirai demain en fait ». Le
réseau téléphone lui-même passe mal. L’isolement était total. Je me suis ainsi
vraiment senti libre et ayant du temps pour profiter … du temps ! Et comme
je le disais en début de récit, j’y retournerai avec beaucoup de plaisir.
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