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samedi 7 janvier 2012

Khuri, Samedi 7 janvier 2012 – 55km – 1h20


Khuri (Rajasthan) – env. 1 000 habitants



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Jaisalmer - Khuri - 55 km - 1h20



Badal, une personnalité hors du commun

Le paradis existe, je l’ai trouvé ! Qu’on me donne quelques jours de vacances et je file directement là-bas.

L’heure de route me menant à Khuri est un délice. Au milieu du sable, la route est de très bonne qualité et empruntée par très peu de véhicules. Principalement des jeeps de touristes faisant un tour dans la région. Je peux rouler à mon aise et prendre les virages façon « descente d’une piste de ski », ce qui fait tout le charme de la moto.


Une de mes plus belles rencontres de l’Inde m’attend à Khuri. Je me rends chez M. Badal, recommandé dans le Lonely planet comme quelqu’un de bien, ancien chamelier qui organise des camel safari de qualité. Il est assis sur sa terrasse quand j’arrive. Je gare la moto, puis m’assied à côté de lui. « Bonjour. – Bonjour. – Ca va ? – Ca va … » S’ensuit une courte discussion sur la pluie et le beau temps, entrecoupée de silences qui ne sont même pas gênants. Puis j’en viens au sujet principal, que lui-même n’a toujours pas évoqué alors que c’est son cœur de métier : « vous organisez des camel safaris ? – Oui. Vous voulez partir ce soir ? – Parfait. Je serai seul ? – Oui. – Parfait. »

Et c’est alors qu’il se lève, passe un coup de fil, fait un tour dans le village pour aller chercher son chamelier fétiche. En fait son neveu, qui est aussi instituteur dans l’école privée de Khuri (d’où sa bonne maîtrise de l’Anglais et son allure un peu trop guindée pour un chamelier, on voit que c’est l’ « instruit »).

Je fais un tour de village, c’est effectivement tout petit : deux routes à une voie chacune traversent le village, et l’emplacement des habitations délimitent des allées en sable, ou l’inverse … Deux, peut-être trois guesthouse uniquement. Peu de commerces. C’est calme et désert.

Badal me confie qu’il aime cet endroit reculé d’où il est originaire, qu’il n’est jamais sorti du Rajasthan, et qu’il préfère les animaux aux personnes. Il a deux chats, des vaches et des chèvres. On se ressemble et on se comprend bien.


Camel safari en solitaire

15h, c’est le départ vers le désert. Ce tour est bien plus authentique que le précédent à BIkaner. Nous partons à deux sur le chameau (en fait un dromadaire, mais allez dire « dromadaire safari », ça sonne moins bien que « camel safari » non ?), emportant avec nous gamelles, eau et nourriture. Au pas, au trot, nous faisons un tour pour arriver au milieu de la partie dunes de sables et établir le campement. Khuri est au milieu du désert du Thar, qui est constitué de sable et terre, et parsemé d’arbustes.
Par endroit cependant, des ensembles de dunes de sable s’étendent sur quelques kilomètres de long et quelques centaines de mètres de large. C’est que qui rend la ville de Sam à quelques dizaines de kilomètres à l’ouest si touristique, et que je suis content d’avoir délaissée pour privilégier Khuri où l’on trouve les mêmes dunes. Moins étendues, mais suffisamment larges pour se trouver isolé par le silence avec du sable à perte de vue.

En fait de campement, le camel driver étale matelas et couvertures au sol, puis commence à cuisiner. De mon côté, je me balade dans les dunes, coure, saute, shoote photos et films puis lis mon livre allongé dans le sable en regardant le coucher de soleil tandis que les biches courent au fond de la vallée. Ca fait rêver je sais… pour tout dire, j’ai du mal à réaliser moi-même où je suis en ce moment.

Dîner à la lueur du feu : curry de légume mangé avec des chapatis (couper les chapatis, les rouler pour en faire une cuillère, saisir le curry et avaler sans tousser parce que c’est quand même très épicé tout ça !). Lassi pour arroser le dîner. C’est délicieux et je me gave, en prenant soin d’en laisser car malgré mes protestations de politesse, le guide mange après moi. C’est comme ça.

Je fais un tour pour ramasser du bois puis entretiens le feu pendant que je lis mon livre sous les étoiles. Rapide tour pieds nus dans les dunes à la lumière de la lune, Beethoven dans les oreilles pour profiter encore plus de la magie de l’endroit.

Passons rapidement sur la surprise en ouvrant les yeux en pleine nuit après le coucher de lune, juste pur découvrir un ciel noir rempli d’étoiles plus lumineuses que jamais. Mais pas le courage de prendre l’appareil photo … Une autre fois ! Petit déjeuner, et re-ballade dans les dunes à pied pour faire des photos débiles avec le retardateur. Puis retour tranquille à dos de chameau.






Séjour prolongé chez Badal

L’endroit est calme, la nourriture excellente, et on se sent chez Badal comme chez soi, ou plutôt comme chez lui, mais la simplicité du lieu en fait un très bon « chez-soi ». Il ne m’en faut pas plus pour décider de rester quelques temps dans ce coin de paradis. Je fais l’aller-retour à Jaisalmer pour prendre mes affaires et m’installer à Khuri. Je passe l’après-midi et les trois jours suivants à vivre mon programme chargé : petit déjeuner, installation sur la terrasse, lecture, déjeuner, sieste, lecture, marche vers les dunes pour admirer le coucher de soleil, marche retour, dîner, lecture et tri de photo, rédaction du journal, et de temps en temps un film.

Je passe sur les heures passées à observer la vie se déroulant sous mes yeux. Les départs et retour des autres touristes en camel safari, le défilé d’animaux (chiens et chats, chameaux, vaches et chèvres), les enfants allant et revenant de l’école, la traite des vaches. Un matin, je me lève plus tôt et pars courir 1h30 – 10km dans les dunes de sable, au lever du soleil et au milieu des biches et autres chameaux.

Je tiens à signaler deux anecdotes. La première : cette touriste polonaise qui admire le coucher de soleil sur les dunes. Elle voyage en taxi privé depuis Delhi et incarne le tourisme « de loin » dans tout ce qu’il a de plus détestable. Elle demande à son chamelier (oui, je n’ai pas précisé, mais les touristes viennent voir le coucher de soleil  à dos de chameau, c’est la sortie typique, ils me prennent pour un extra-terrestre quand ils me voient repartir à pied ; en outre, ils s’entassent sur les dunes, à chacun de trouver sa place, je suis un des rares à oser marcher quelques centaines de mètres pour avoir une vue dégagée de tout touriste) bref elle demande à son chamelier, écrivais-je donc avant d’ouvrir une parenthèse d’une longueur déraisonnable qui nous a à tous fait perdre le fil de l’histoire, de déplacer son chameau et le mettre dans le soleil couchant pour prendre de belles photos sans avoir à bouger ses fesses.
Devant le coucher de soleil
Puis, alors que l’astre rougeoie dans les nuages sur l’horizon, elle se tourne vers moi puis vers son guide « c’est fini maintenant ? on peut y aller ? ». Non seulement, non ce n’est pas fini, un coucher de soleil, c’est quand le soleil se couche, non ? Pas quand il est encore visible … et puis qu’a-t-elle besoin de demander si l’attraction est finie ? On profite de la vue, de l’instant, on n’est pas dans un tour minuté avec une précision germanique … enfin, me semble-t-il.




L’autre anecdote qui me trotte en tête, c’est ce dernier dîner chez Badal, la veille de mon départ. Il fait assez froid ce soir là, et il me propose de dîner dans la cuisine plutôt que dehors sur la terrasse. Pièce de 4 mètres sur 5, plutôt vide, avec un plan de travail en pierre dans un coin, un feu de cuisson au sol dans un autre coin (et un conduit de cheminée). Badal et moi mangeons assis par terre (j’ai droit à un tabouret en ma qualité d’invité). Les enfants et sa femme mangeront après nous. Sa femme prépare les chapatis. Elle est assise par terre, puis sa tâche terminée, se recroqueville par terre près du feu pour se chauffer et se reposer. Pendant que nous dînons juste à côté. Je ne vous cache pas que je suis plus que gêné, mais c’est le mode de vie local et je ne peux que le respecter. Même si j’ai tout de même fini au plus vite mon assiette !

Ces deux points qui me font un peu mal n’enlèvent rien au charme de l’endroit et ce n’est pas un hasard si chaque soir j’annonçais mon départ pour le lendemain, puis finalement me levais en disant : « bon je partirai demain en fait ». Le réseau téléphone lui-même passe mal. L’isolement était total. Je me suis ainsi vraiment senti libre et ayant du temps pour profiter … du temps ! Et comme je le disais en début de récit, j’y retournerai avec beaucoup de plaisir.





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