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mercredi 16 novembre 2011

Thangnak – Mercredi 16 novembre 2011 – 4 680m


Réveil à 4h, pour un départ aussi vite que possible. Le but est d’être en haut pour le lever de soleil. En fait, pourquoi veut-on voir les levers de soleil ? Pourquoi veut-on monter en haut des montagnes ? Je n’ai pas beaucoup d’éléments là-dessus alors je m’abstiendrai des réponses philosophiques du type pour aider l’âme à s’élever et tout ça … 

En ce qui me concerne : j’aime bien les levers de soleil parce que c’est beau. Je n’ai pas besoin de vérifier que le soleil va se lever le matin. Je fais confiance à l’astronomie pour cela. Les planètes, les lois de Kepler, tout ça. Non, vraiment, le premier truc que j’aime c’est le passage du sombre au clair et les couleurs que cela engendre dans le ciel et sur les montagnes qui voient le soleil avant moi. J’aime aussi jouer à deviner où le soleil va apparaître. Derrière ce pic ? A côté du col ? Près du grand arbre ? Non, c’est plus lumineux de ce côté pourtant … 

Enfin, pour l’ensemble de l’espèce – mis à part les veilleurs de nuit et les cambrioleurs, le lever de soleil marque le réveil et le début des activités. N’oublions pas que la majorité des gens n’a pas accès à l’électricité et que le soleil est leur principale source de chaleur et de lumière. Donc, être debout, avoir accompli quelque chose (footing, trek, révisions comme quand j’étais en prépa) avant que le monde se lève, et pouvoir observer ce monde s’éveiller et se mettre en action, j’adore. C’est une belle journée qui commence, et je la commence avec elle, pas en décalé. 

Ensuite, pourquoi je monte en haut des montagnes ? Pour l’effort sportif sans aucun doute. Quel bonheur d’arriver quelque part après avoir fourni un effort, plutôt que d’y être posé par un véhicule. Comme je-sais-plus-qui dit : la destination c’est bien, mais le voyage est le plus important. Et pour moi c’est encore plus grisant si ce voyage a été source d’efforts voire de dépassement de moi-même. J’apprécierais moins arriver en haut d’une montagne en véhicule. Puis il y a aussi, mais dans une bien moindre mesure, le fait d’aller là où il y a moins de gens A priori, on est plus facilement seul alors que l’on monte. Les montagnes, les sommets sont pour moi une très bonne opportunité de me retrouver seul, loin de tout, au calme. Peut-être enfin cela correspond à un besoin de voir les choses de loin et d’en haut, dans leur ensemble ? C’est là que je suis le mieux, quand je peux comprendre un système dans son ensemble. Ah, et aussi, comme pour tout ce que je fais : faire quelque chose que les autres ne font pas, aller là où ils ne vont pas. 

Bref. 

Bref, me voilà, à 4h40 du matin, me posant toutes ces questions … ou pas, car à 4h40 du matin, ce matin là, je ne pense pas, sinon je resterais dans mon lit, au chaud ! Mais non, je sors m’habille en deux deux, demande à Nat si elle vient – non, force une barre de céréales à descendre dans mon estomac, mets quatre épaisseurs : t-shirt manches longues, pull en laine, polaire, down jacket, et deux en bas : pantalon polaire et pantalon coupe-vent, confie mon sac à Sunjay (merci infiniment à lui pour cela) puis le suis dans la nuit pour 600 mètres de montée comme ça. 

Pas très visuel le « comme ça » … Mettez votre main à plat devant vous, puis relevez la vers la verticale. Arrêtez-vous quand vous trouvez que la pente schématisée par votre main inclinée est très raide. Inclinez un peu plus. Voilà, c’est ça le « comme ça ». Sans sac heureusement, je retrouve mon rythme d’antan et nous montons assez vite. 1h45 plus tard, à 6h30, nous voici au sommet juste pour le lever du soleil. 

C’est beau. 

Pas de pic enneigé, pas d’Everest ni de Manaslu, les nuages sont à 6 000m ce matin, mais les montagnes, la vue impressionnante sur le glacier, le lac et le minuscule village de Gokyo au milieu, qui semble ridicule à côté du fleuve de glace et de pierre qui menace à tout moment d’emporter le village avec lui. C’est de la roche, de la montagne, c’est solide, mais vu d’en haut, tout est si démesuré que même le village semble fragile. Encore des photos, puis mains et pieds gelés, nous descendons. 

Retour au lodge où je me réchauffe, fais sécher mes vêtements et essaie de reposer mes jambes. Je discute le bout de gras avec Michel qui va redescendre aujourd’hui et avec un Lituanien habitué des lieux. Natacha me rejoint pour le petit déj. Je négocie durement avec Sunjay un répit avant d’aller vers Thangnak. Mes jambes sont juste trop fatiguées pour bouger ! 


Finalement, départ vers 13h, le chemin est dans la continuité de la vue de ce matin : nous traversons le glacier. Fleuve fait de vagues fixes vu d’en haut, c’est une succession de collines sur un kilomètre de large vue du dedans. Parfois, nous apercevons une muraille de glace qui nous rappelle que nous marchons sur un support vivant et instable. 


Remontée de l’autre côté des pentes du glacier et nous arrivons rapidement à Thankgnak. Là nous prend une idée de fou : faire un brin de lessive dans la rivière – gelée, cela va sans dire. Un caleçon et une paire de chaussettes plus tard, je ne sens plus mes doigts. L’impression d’avoir des bras, des avant-bras, … et rien au bout ! C’est bizarre. Je cours à la corde à linge étendre le tout puis agite mes bras tant que je peux pour envoyer de nouveau du sang chaud dans mes doigts. 

On est encore plus haut, et ce soir, j’applique la méthode Natacha dans la salle commune : les jambes dans le duvet 1. pour avoir plus chaud, 2. commencer à réchauffer le duvet. Le lodge est glauquissime et nous nous couchons tôt. 

Demain, Cho La pass, décrit comme une longue froide et dangereuse journée. Tout un programme !



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